Le cinéphile bisseux a souvent un film bien rangé, qui prend la
poussière et n'attends sagement plus qu'une chose : être visionné dans
de bonnes conditions. Un film culte bien souvent, précédé par une
réputation que l'on rencontre régulièrement dans des canards spécialisés
dans la tripaille ou des webzines douteux. « Il faut vraiment que je me le matte »
se dit-on avant d'aussitôt oublier cette maigre résolution. Des fois,
on y pense, mais on est fatigué ou alors on a pas vraiment la tête à ça.
Et les mois passent, voire des années. À force, on en oublie carrément
le synopsis. Dans mon cas, Basket Case était ce
genre de film,que l'on maudit presque au fil du temps. Pourtant, j'adore
les films d'horreur de série Z, surtout ceux qui commencent un peu à
dater.
Premier film du réalisateur du sympathique et cultissime Elmer,
Franck Henenlotter signe en 1982 sa première œuvre horrifique qui
prends place dans un New York crasseux en diable. Une première œuvre qui
divise désormais un public en deux avis tranchés : D'un côté, nous
avons un film culte, malsain et bien empaqueté malgré un manque flagrant
de moyens. De l'autre, un métrage résolument bancal, tourné à la
va-vite et tellement maladroit que l'on se trouve aux portes du nanar.
Chef d'oeuvre trash ou nanar eighties ? Le film vaut en tout cas un
visionnage, et ma première rencontre avec l'objet fut une surprise en
deux temps.
Je suis habitué aux séries Z d'horreur et aux conditions d'époques
(une VHS usée, un son mono et un Coca), mais il faut avouer que la
première demi-heure est loin d'annoncer un chef d’œuvre. Les dialogues
sont assez longuets et inintéressants, la trame se met trop lentement en
route et on se retrouve à faire face aux principaux défauts du film. Le
manque de moyens, tant humain que technique, se fait durement sentir
dès les premières minutes. Il n'y a vraiment pas un rond, c'est le cas
de le dire et on peut très vite faire une liste de ce qui ne va vraiment
pas : décors limités et stériles, couleurs ternes, amateurisme de la
mise en scène, acteurs non professionnels cabotins, effets spéciaux
particulièrement cheapos (du latex cru, du jus de tomate et du stop
motion...). Il faut bien l'avouer, ça s'annonce mal. Même en s'y
attendant, on se dit : "ah ouais, quand même !"
![]() |
Ah greuh greuh ! |
Pourtant, on se retrouve assez rapidement au générique après une
dernière séquence d'anthologie, un petit sourire en coin. Bizarre ? Non,
pas vraiment, car le film a décidé de finalement démarrer et de mettre
au jour ses qualités au fur et à mesure après la découverte visuelle de
l’élément perturbateur. Malgré tous ses défauts et bizarreries inhérents
à la série Z, le film possède une trame narrative plus travaillée qu'il
n'y paraît. Les différentes séquences entre meurtres, flash backs et
relations humaines s'imbriquent naturellement dans une ambiance
poisseuse et malsaine. Les meurtres sont imaginatifs, parfois originaux,
les personnages rarement figuratifs et c'est un petit tour de force
pour un film qui sent si fort l'amateurisme. Plus fort encore, on sent
réellement quelque chose d'organique et de viscéral malgré le latex et
le ketchup, et c'est bien la nature même d'un film d'horreur, les
hurlements du frère siamois dégueulent littéralement, les meurtres sont
brutaux et la crasse sort littéralement des murs de l’hôtel minable où
loge le duo infernal.
Le contexte du cinéma américain des années 1980 aide également beaucoup à la renommée, et finalement à la qualité de Basket Case :
c'est sombre, sale et rampant (dans tous les sens du terme). Le New
York de ces années là avait quelque chose de dérangeant, et ce film le
retranscrit assez fidèlement dans son atmosphère. On peut rire du
cabotinage des acteurs et des effets spéciaux, mais il faut avouer que
ce film possède une aura forte et poignante (à défaut d'originalité) sur les
thème des frères siamois. Plus encore, certaines séquences sont fortes
au point de devenir iconiques comme la séparation des deux frères ou
celle du rêve, fantasmagorique et quasiment poétique, qui est un vrai bon moment de cinéma.
Si j'avais à le noter, j'y collerais volontiers un sept sur dix : Un ratage sur le papier largement rattrapé par de bonnes idées,
une bonne volonté communicative ainsi que quelques fulgurances qu'il
serait malhonnête de taire. Néanmoins, en contextualisant ce film dans
son époque, tant sociale que cinématographique, le six serait plutôt de
rigueur. Il ne faut pas oublier que Basket Case n'est qu'un avant-goût,
bien imparfait, du délirant et très bon Elmer,
qui va plus loin dans la thématique de la perversion organique. Si l'on
veut aussi une Amérique décadente, un New York crade et poisseux pour
lequel ce film tire aussi son statut de film légendaire, il y a bien
d'autres films d'horreur à connotation trash qui retranscrivent cette
ambiance d'une meilleure façon. Je pense bien sûr à Driller Killer de Ferrara, au traumatisant Combat Shock sorti étrangement sur le catalogue Troma. On peut aussi penser aux peep shows infâmes du slasher Nightmare de Scavolini. Et si l'on veut rire tout en se vidant les tripes, autant aller vers le cultissime Street Trash.
Au final, quand on prend Basket Case pour ce que c'est, une série Z
sans le sou mais qui veut bien faire et réussit en (bonne) partie son
pari : C'est franchement un bon film d'horreur. Truffé de défauts et
d’incongruités, certes, mais un vrai bon film de genre quand même qui
saura combler les attentes des bisseux et autres aventuriers de
l'extrême.
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